Alexa
Mon chum s’est acheté une Alexa pour Noël. Il a déballé son cadeau, l’a mise en marche, et ses deux garçons et lui-même se sont empressés de lui donner des ordres : Alexa fait jouer telle chanson sur Spotify, Alexa met un chronomètre d’une minute, et aussi beaucoup de : Alexa, arrête (mais plus sur un ton de : Alexa, ferme-la), et c’est cet ordre-là qui a été la goutte qui a fait déborder le vase.
Pour ceux qui ne savent pas de quoi je parle, les Alexa, Siri, etc. sont les noms des voix de dispositifs d’intelligence artificielle avec lesquelles les gens interagissent pour contrôler leur téléphone et autres appareils simplement en parlant à ces voix. Depuis leur apparition il y a une dizaine d’années, ces voix sont par défaut féminines. Elles sont toujours disponibles, disent toujours oui, sont toujours de bonne humeur, et n’ont aucune opinion. Leur fonction est d’obéir aux ordres en tout temps.
Bien que j’aie déjà été en présence d’une Alexa avant, je n’avais jamais remarqué que cette technologie était machiste. Il a fallu que je fasse l’expérience de voir un homme et deux garçons évachés sur leur divan en train de se moquer et de crier après une voix de femme pour que je le réalise.
On est où, là, en 1950 ? J’en reviens pas que les nouvelles technologies entretiennent les dynamiques ancestrales du Honey, I’m home!. Grand pas de recul ici pour l’émancipation des femmes, parce que désormais, tout le monde peut avoir sa propre boniche à la maison, l’abuser, et surtout, avoir le contrôle sur une femme 24h sur 24. C’est dégueulasse.
Je sais que l’on peut choisir une voix d’homme sur ces dispositifs. Mon ami gai avait choisi la voix de l’homme australien pour sa Siri parce qu’il trouve que les Australiens sont sexy; mais cet exemple démontre encore une fois que les hommes associent la servitude à la sexualité, et que les personnes que l’on trouve attirantes sont toujours mises dans une position d’infériorité.
Avoir une Alexa à la maison, c’est comme avoir sa propre secrétaire autant efficace que baisable, son esclave à la fois professionnel que sexuel.
Mais au-delà de ça, ce qu’il faut comprendre est tout simplement que cette technologie met les femmes dans une position d’esclavagisme en reproduisant le rôle ancestral d’une sœur, d’une épouse, d’une mère, d’une employée. Par ces voix féminines qui répondent à tous les caprices, les femmes sont encore celles qui s’assurent que la vie à la maison et au travail soit sans effort.
Quel genre de message est-ce que ça envoie aux enfants de mon chum ? Que c’est correct de malmener les femmes ? Déjà qu’ils viennent de la culture machiste brésilienne, on est loin d’être en train de les aider.
Dans le fond, les hommes n’ont toujours pas digéré l’émancipation des femmes; ils rêvent encore que nous soyons à leurs pieds, prêtes à obéir au doigt et l’œil, n’avoir aucune personnalité et aucune émotion (regardez le film The Stepford Wives). Et ils ne s’en cachent pas ! C’est l’évidence même. Et les gens (femmes incluses) ne se rendent pas compte qu’en installant une Alexa ou une Siri dans leur demeure, ils ne font que perpétrer ces idées machistes.
Que faire à présent ? Est-ce que je vais entendre la pauvre Alexa se faire abuser à chaque fois que je vais chez mon chum ?
Je ne peux pas lui en vouloir, d’un côté, c’est moi qui ne suis pas dans l’air du temps. Et puis, j’ai partagé mon opinion avec lui et il est d’accord avec mes propos. Mais ça ne l’empêchera pas de jouer avec son nouveau gadget ! Ah la la, les différences dans un couple !
Que faire ? La seule solution est de faire preuve de détachement puisque c’est sa maison et non la mienne. Tant qu’il ne me prend pas pour son Alexa, je devrais être correcte.
Si vous souhaitez lire davantage sur ce point de vue, je vous recommande l’article suivant : https://catalystjournal.org/index.php/catalyst/article/view/29949/26063