Indignation
Hier j’ai écouté le film The Big Short. J’adore ce film. Je crois que c’est la combinaison d’humour, de drame et de stimulation intellectuelle qui est vraiment satisfaisante pour moi. Je m’identifie particulièrement au personnage de Mark Baum, l’investisseur déplaisant et justicier joué par Steve Carell. Tout au long du film, il est celui qui est le plus indigné de toutes les magouilles qui se passent à WallStreet.
À la fin, Mark a le choix de perdre tout son argent comme la majorité des Américains ou bien de vendre ses actions afin de récolter un milliard de dollars. Il hésite, mais il décide finalement de prendre l’argent. Au moment où il prend cette décision, la caméra recule et on voit qu’il est assis confortablement sur un patio en plein cœur de Manhattan en face de ce qui semble être sa résidence.
Ça m’a fait réfléchir et j’en suis venu à la conclusion suivante : l’indignation est le privilège des riches. Je m’explique. Mark Baum, tout au long de sa croisade contre Wallstreet, sait très bien qu’il ne sera pas personnellement affecté par la crise économique. Tous les personnages du film sont dans cette position. Ils s’indignent et se battent parce qu’ils sont contre le système, pas parce que leur survie en dépend.
Quand les gens ordinaires vivent une injustice, comme les millions d’Américains qui ont perdu tout leur argent lors de la crise économique de 2008, ils ne s’indignent pas. Ils restent incrédules un moment et ensuite ils conservent toute leur énergie pour survivre parce qu’ils savent que la tempête ne fait que commencer.
C’est pour ça que je dis que ce sont seulement les riches qui ont l’énergie pour s’époumoner à dénoncer l’injustice. Parce qu’à la fin de la journée, ils savent qu’ils s’en sortiront indemnes.
J’étais déçue au départ de la décision de Mark. J’aurais voulu qu’il refuse l’argent et qu’il vive la crise comme tout le monde. Mais son but a toujours été de faire de l’argent. C’était sa vengeance contre les banques, une rare occasion pour David de vaincre Goliath.
C’est peut-être juste finalement que ces justiciers qui aiment l’argent aient une récompensent pour leurs efforts. Ils ont sonné l’alarme et personne n’a écouté. Peut-on leur en vouloir de s’en mettre plein les poches ?
Une question demeure : en s’en mettant plein les poches sur le dos du système, ne s’en mettent-ils pas plein les poches sur le dos des Américains ? Ça ne revient pas à la même chose ?