Vie de pacha
Je vis depuis samedi dans le condo luxueux d’une amie qui a quitté la ville pour quelques jours. Je suis responsable de Miss Lili, le chat. Ça me fait drôle de vivre avec un animal : je ne suis jamais seule, quelqu’un m’observe. J’imagine que c’est pour ça que les gens achètent des animaux de compagnie : pour avoir l’impression d’exister aux yeux de quelqu’un d’autre.
Être seule avec Lili me fait penser à lorsque je suis seule avec un jeune enfant. Elle me regarde, je ne sais pas trop ce qu’elle pense et ce qu’elle veut de moi; c’est inconfortable. Je n’aime pas les présences à moitié humaines, comme celles des bébés et des chats, avec leurs grands yeux qui nous fixent et leur incapacité à communiquer leurs intentions et leurs désirs.
Plusieurs fois par jour, Miss Lili m’apporte son jouet préféré : un bâton rose avec au bout une plume et une boule rose avec une clochette. Alle aime que je cache la plume/boule tout en la remuant pour faire du bruit. Elle l’observe longuement, et ensuite, elle saute dessus pour l’attraper. Après quelques séances, j’ai saisi son engouement: elle a besoin de chasser, et la plume/boule représente une proie. Quand j’ai compris ça, je l’ai enfin vu pour ce qu’elle est : un félin carnassier qui n’a rien à faire enfermé dans ce condo de luxe pour satisfaire les besoins de socialisation de mon amie. Pareil pour Coco, la chatte de ma voisine. Après avoir vécu quelques jours ici, je ne crois plus que c’est un bon deal d’être logé et nourrie en échange d’affection (en passant, Lili n’a accepté AUCUN de mes câlins alors quant à moi elle ne respecte pas sa partie de l’entente, mais ça, ça sera à mon amie d’y voir).
Passons.
Il y a deux pachas dans ce condo, Miss Lili et moi, et je dois dire que le luxe me va à merveille. Je suis bien ici, je prends mes aises. Malgré mon mode de vie plus que modeste, il y a une partie de moi qui est familière avec le luxe, comme une seconde nature. Mon quotidien est rempli de petits détails qui agrémente la vie des riches.
Ce matin, j’ai pris ma douche avec l’eau qui coule du plafond comme si j’étais sous une cascade. Pour rendre mon séjour à l’hôtel encore plus crédible, mon amie m’a laissé des échantillons de savon et de crème pour le corps.
À l’heure du dîner, j’ai cuit mes patates douces dans un four à convection, et ce soir, j’écouterai le film The Great Gatsby sur une télévision à écran plan sur lequel j’ai la télé Fibe (je ne sais pas ce que c’est, mais je l’ai !) Bien sûr, l’histoire du film tourne autour de la vie d’un millionnaire décadent.
J’ai aussi recommencé à groover (danser librement) parce que j’ai maintenant un plancher de danse assez grand pour lâcher mon fou.
Franchement, quelles belles vacances au bord du Canal.