Normal people
Je suis complètement obsédée par Normal People, autant le roman que la série télévisée. Par obsédée, j’entends que j’écoute 3 épisodes environ 4 fois de suite au courant d’une même fin de semaine et que je relis des passages du livre que j’ai déjà lu chaque soir avant de me coucher.
C’est l’histoire d’amour entre Marianne et Connell, deux jeunes intelligents et sensibles qui ont de la difficulté à identifier leurs émotions et surtout à les communiquer. Au départ, je me jugeais d’être fascinée par une histoire d’amour entre deux adolescents à mon âge. Mais maintenant, je comprends la raison de mon engouement démesuré : être témoin du lien profond qui unit ces deux personnages nourri mon manque profond d’amour et d’intimité avec un homme.
C’est pas compliqué, ce récit me fait vivre des émotions de base que je ne sais pas vivre dans la réalité. Quand j’écoute les épisodes en boucle, mon corps en veut toujours plus. Je les regarde être complice, aimant, présent, attentionné, et je ne suis jamais rassasiée.
Et je ne parle pas des scènes de sexe, je parle des scènes d’intimité en général; la façon dont ils se comprennent par le regard, leur langage non-verbal, la manière dont ils sont sensibles aux émotions de l’autre au sein d’un groupe. Je suis fascinée par le lien invisible qui les unit. Je suis le témoin voyeur d’une vie secrète dont je n’aurai jamais accès.
En écrivant ces lignes, un souvenir fait surface. Pendant un an, j’étais en couple avec un homme qui me reprochait de ne pas protéger notre intimité. Il trouvait que je parlais trop de notre vie privée à mes amis. Je vois bien maintenant que notre relation n’avait pas le caractère précieux de celle des personnages de Normal People.
Aujourd’hui, j’observe comment je tente désespérément de créer ce lien exclusif avec de purs inconnus. J’essaye de trouver dans le regard de l’autre une confirmation que je ne suis pas n’importe qui pour eux, que nous sommes liés d’une façon ou d’une autre, comme s’il y avait un historique entre nous.
Quelle est la leçon à tirer de tout ça ? D’un côté, j’aime sentir qu’une partie de moi désire vivre une connexion véritable et profonde avec un homme. Et de l’autre, ça me déprime car cette possibilité me semble inatteignable. Mon incapacité à faire confiance, ma peur de l’engagement, ainsi que ma difficulté à rencontrer des hommes de qualité me rassurent dans ma croyance limitante que les relations intimes nourrissantes n’existent que dans un monde fictif.
Maintenant que j’ai conscientisé les motivations profondes de ma fascination pour cette histoire, elle perd de sa magie. Le trou béant qui m’habite ne sera comblé que par une relation sincère et aimante dans la réalité.