Ma puce
J’ai commencé à parler à un vieux monsieur dans mon quartier. Il est assis sur sa chaise de camping sur la rue Centre et fait du people watching. On se jase ça brièvement, des échanges amicaux entre voisins. Ce matin, en partant, il m’a dit : BONNE JOURNÉE MA PUCE. Aaargh ! J’ai pas aimé ça. Tout le monde pense que j’ai 15 ans. Est-ce pour cette raison que d’éventuels employeurs ne m’engagent pas ? Ils se disent, elle est adorable cette fille, mais jamais je ne lui confierai les rênes de mon entreprise. J’ai l’impression que je vais passer ma vie à essayer de faire comprendre au monde qu’on peut être cute, colorée, souriante ET professionnelle, compétente et digne de confiance. Tout le monde est mort de rire quand ils me voient. Je pense même que certains de mes amis ne me prennent pas au sérieux, qu’ils me verront toujours comme Odile la rigolote sans avenir. Fait chier.
Ça part de moi. Est-ce que je me prends au sérieux ? Je regarde de quoi j’ai l’air quand je marche dans la rue, dans la vitre des commerçants, et je me dis: Et la la. Ouin. J’ai pas l’air d’une femme professionnelle de 33 ans qui veut faire une différence dans ce monde. On dirait que je m’en vais à la plage. Tous les jours de l’été. Au-delà de l’apparence physique, je pense vraiment que ça dérange que je sois souriante et émerveillée par la vie. C’est quoi le problème avec ça ? En quoi ma joie de vivre influe sur ma capacité à écrire sans faute ou à apporter des idées innovantes ? Ça me dépasse.
Il y a aussi que j’essaye de plaire. Et c’est peut-être plus ça le nœud du problème. Ce sont les fillettes et les adolescentes qui ont besoin de se prouver. Pas les femmes confiantes de leur valeur et de leurs compétences. C’est comme si mon grand sourire venait patcher ma valeur défaillante, que mes blagues détournent la conversation de mon manque d’expérience. Il s’agit de s’assumer dans le fond.
Je vous le dit, 2020 est l’année de tous les défis. Une collègue m’a dit : 33 ans, c’est le criss d’âge. Je confirme Jesus, y en aura pas de facile !